Le docteur Rouhet
Le célèbre docteur Rouhet, dont le buste de bronze honore l’entrée de la ville de Monségur, fut très connu au pays pour ses actions en faveur de l’hydrothérapie.
Il formait de beaux hommes, mâles dans toute leur puissance, aux haltères, au trapèze, à la corde lisse et à nœuds. Mais ce qui étonnait le plus les gens du pays, c’était par les hivers froids, de les inciter à se baigner dans les eaux du Dropt, après leur avoir fait casser la glace qui le recouvrait.
Le 2 janvier de l’an 1902, par un temps à ne pas mettre un chien dehors, et de plus, jour de grande foire à Monségur, il eut la « folie » de faire jeter dans les eaux du Dropt une cinquantaine de ses élèves, devant mille personnes de la foire venues voir « mourir » ces « drolles » ( adolescents). Il n’en mourut aucun à l’étonnement des forains ébahis.
Autour de 1905, la température atteignit les moins 20 degrés, ce qui fit glacer les eaux du Dropt en une épaisseur de 8 cm. Alors ce fut la fête, avec photographe à l’appui, car notre docteur au tempérament orgueilleux tenait à ce que tout le monde connaisse ses exploits. L’une de ses photographies nous montre, sur la berge, sabots garnis de paille débordante, mains perdues dans les poches des vestes superposées, cache-nez, casquette bonnet enfoncés au plus bas de oreilles quatre ou cinq badauds, bouche ébahies, exhalant de la vapeur, regardant une foule de jeunes se cassant la glace sur la tête, en poussant des cris joyeux. Puis sortant de l’eau, et courant dans un pré qui mène au manège ; en trois coups de rein, les jeunes nageurs reprenaient leur vêture, en criant « Non de Dieu, qu’on est bien !! »
Au début de la guerre39/45, un froid semblable refroidit le pays de maligne manière. Encore moins 20°. Ce diable de docteur, allant sur ses 80 ans, demanda à mon père François Blanc de casser la glace de la rivière, de coller une échelle à la berge. Il avait envie de se baigner. Sortant de sa cabane, le corps entier enduit d’huile, il descend l’échelle et se met à barboter à son aise, se cassant sur la tête, de bons morceaux de glace. Très leste pour son âge, le voilà hors de l’eau, après s’être lestement essuyé d’une serviette sèche se mettant à courir, à petits pas cassés sur l’herbe gelée.
En peu de temps, il fut de retour de sa cabane d’où il ressorti vêtu et clamant haut et fort en agitant les bras « Non de Dieu, qu’on est bien » !
René Blanc
Un sacré bonhomme !! Belle collection de photos anciennes. Et le texte qui va bien.